Module 1. Les notions d'écosystème, de services écosystémiques et de gestion durable des ressources

Introduction

La définition d'un écosystème a été reprise par de nombreux écologistes au cours de plusieurs époques. Ces définitions se rejoignent toutes et sont efficacement synthétisées sur le site de Wikipédia (Écosystème) . En somme, il est dit que les écosystèmes sont un lieu où la flore, la faune et la vie microscopique vivent et fonctionnent en interaction avec un monde abiotique tels le sol, la roche, l'eau, l'air, etc.

Les écosystèmes se développent en une unité fonctionnelle relativement stable. Ils sont néanmoins en constante évolution, parfois rapide, d'autres fois moins rapide, compte tenu des pressions externes qui se manifestent. Ces pressions peuvent être d'origine naturelle (éruption volcanique, tempête tropicale) ou anthropique (pollution, urbanisation). L'écosystème évoluera, changera, ou reviendra à son état d'origine par l'entremise de processus de rétroaction complexes. On dit qu'un écosystème est résilient s'il revient à son état de fonctionnement originel malgré les pressions externes qu’il subit.

Au cours de ce module, vous constaterez que les écosystèmes en santé sont à la base d'une qualité de vie pour les populations humaines et qu'il est important d'adopter des pratiques d'aménagement et de gestion qui assureront leur résilience et leur intégrité.

  • À titre d'introduction au concept d'écosystème, lisez l'article de S. A. Levin (1998) à propos du développement et de l'évolution des écosystèmes : Levin, S. A. 1998. Ecosystems and the biosphere as complex adaptative systems. Ecosystems 1 : 431-436. Accédez à cet article en utilisant la Réserve électronique du cours  de la bibliothèque de l'Université TÉLUQ.

1.1 Les services écosystémiques

Les écosystèmes sont la source de très nombreux bienfaits (ou services) pour l'humanité. Ils fournissent bien entendu l'oxygène dont nous avons besoin pour respirer. Les écosystèmes sont aussi la source de bien d'autres services, tant et aussi longtemps que l'intégrité et la santé des écosystèmes sont préservées. Grâce à la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement , tenue à Rio de Janeiro au Brésil, et avec le Millenium Ecosystem Assessment  (MEA), publié en 2005, la quantification des services écologiques a commencé. Quelques scientifiques ont même tenté d'estimer leurs valeurs économiques.

1.2 Les grands acteurs (directs et indirects) des changements écosystémiques

Les acteurs directs et indirects des changements écosystémiques sont multiples. Parmi les acteurs indirects, lesquels agissent de façon diffuse sur les acteurs directs, il y a :

  • les dynamiques démographiques;
  • les activités économiques;
  • les contextes sociopolitiques, culturels, religieux, scientifiques et technologiques.

Quant aux acteurs directs, ceux-ci agissent directement sur la structure et (ou) sur les processus écosystémiques. Il s’agit notamment :

  • de la conversion des paysages naturels (par exemple, les prairies et les forêts) en productions agricoles;
  • des changements climatiques;
  • de l’invasion d’espèces végétales exotiques;
  • de la prolifération des maladies;
  • de la pollution;
  • du détournement des cours d’eau, etc.

Dans tous les cas, les habitats changeront, mais à différentes intensités et à différents rythmes. Cela affectera la diversité biologique et d’autres caractéristiques de l’écosystème originellement en place. Les changements pourraient être suffisamment grands pour que les services rendus par les écosystèmes soient affectés à la baisse.

Il est important à ce stade du cours de bien comprendre ce que l’on entend par acteurs directs et indirects du changement. Il est important aussi de comprendre comment ceux-ci interagissent ensemble.

Pour de plus amples informations sur les acteurs lors de la préparation de vos travaux notés, vous pourrez consulter le chapitre 7. Nous traiterons aussi en détail de plusieurs de ces acteurs dans les modules 2  (forêt), 3  (eau douce), 4  (agriculture) et 5  (biodiversité).

1.3 La gestion durable des ressources naturelles par les aménagements écosystémiques

Bien que la notion de développement durable  ait souvent été abordée dans les médias et dans les cours à l'université depuis le fameux rapport Bruntland  de 1987, celle de la gestion durable des ressources naturelles et de l'aménagement écosystémique a été beaucoup moins entendue.

Cette notion a pris naissance lorsque nos grands ancêtres exploitaient le territoire pour ses diverses ressources et ses services. Cependant, l'exploitation plus douce, ou plus écologique, a malheureusement disparu au fil des siècles, compte tenu de la hausse de la population, des pressions sur les écosystèmes pour obtenir certains de ses services, la venue de la machinerie et des technologies intensives ainsi qu'un changement de l'attitude (voire le respect) des humains envers la nature.

Heureusement, une nouvelle prise de conscience est apparue, il y a environ une vingtaine d'années, lorsque des forestiers et des groupes écologiques ont pensé bon développer des stratégies de récolte qui émuleraient mieux les perturbations naturelles. De ce fait, on a estimé que des pratiques forestières qui se rapprochent davantage des perturbations naturelles auraient moins d'impacts négatifs sur le fonctionnement, la biodiversité et la productivité des forêts. Quelques années de mise en pratique d'aménagements forestiers écosystémiques et de recherches universitaires et gouvernementales sur le sujet ont accru nos connaissances quant à ce type d'aménagement écosystémique (ou de gestion des ressources forestières). Les travaux de recherche se poursuivent aujourd’hui.

De façon similaire, au cours des deux dernières décennies, les agronomes et les autres intervenants en milieux agricoles ont parfait leurs connaissances sur les pratiques dites plus écologiques. Celles-ci peuvent enrayer l'érosion des sols, préserver la fertilité des sols, la biodiversité et la productivité des récoltes, maintenir la qualité des eaux de surface, etc. Ce sont là des aménagements écosystémiques, capables, apparemment, de résoudre bien des problèmes environnementaux liés à notre exploitation accrue des ressources naturelles.

La littérature portant sur l'aménagement écosystémique abonde. Il est inutile que nous vous invitions à lire en profondeur sur le sujet maintenant puisque nous aurons la chance, au cours des prochains modules, d'étudier en détail diverses approches de gestion durable de la forêt, de l'eau potable, des terres arables et de la biodiversité.

  • Toutefois, pour une meilleure mise en contexte, lisez l'excellent article de synthèse de R.E. Grumbine (1994) sur l'aménagement écosystémique : Grumbine, R. E. 1994. What is ecosystem management? Conservation Ecology 8 : 27-38. Accédez à cet article en utilisant la Réserve électronique du cours  de la bibliothèque de l'Université TÉLUQ.
  • De façon facultative, vous pouvez visiter les pages de Wikipédia (anglais)  et (français)  pour d'autres définitions de l'aménagement écosystémique.

1.4 L'aménagement écosystémique à différentes échelles spatiales et à différents niveaux opérationnels

Les défis environnementaux se manifestent à différentes échelles spatiales. Par exemple, la déforestation de quelques bassins versants de tête en Amazonie peut se faire localement (portée locale) sur une superficie raisonnable si l'ensemble de la superficie du bassin hydrographique est considéré. Toutefois, cette même déforestation locale peut avoir des impacts sur l'intensité et la durée des crues des rivières drainant le bassin hydrographique (portée régionale). Par ailleurs, la déforestation à petite échelle peut être considérée comme marginale au départ (par exemple, la culture de subsistance par brûlis), mais elle est importante lorsqu'on l'observe pour l'ensemble de la forêt amazonienne (portée planétaire).

L'effet cumulatif de plusieurs petites déforestations peut s'avérer problématique en ce qui a trait à la séquestration du carbone, à l'équilibre atmosphérique O2/CO2 et aux changements climatiques. De ce fait, les scientifiques, les politiciens et les décideurs se mesurent constamment à des défis de taille qui exigent des stratégies pouvant résoudre les divers problèmes aux différentes échelles spatiales.

Pour résoudre le problème de la déforestation pour la culture de subsistance, des moyens doivent être pris à l'échelle de la communauté pour aider les paysans à développer des technologies agricoles plus durables. D'autres actions doivent être prises aussi pour assurer la distribution équitable des productions agricoles à l'échelle du paysage ou du bassin hydrographique. Ceci aurait comme effet de limiter les impacts cumulatifs de la déforestation de petits bassins versants sur l'hydrologie du bassin hydrographique. Avec des berges stables, les paysans assurent leur sécurité et pourront bénéficier des services qu'offre la rivière.

Les spécialistes reconnaissent de plus en plus l'importance de l'échelle pour résoudre les problèmes. Toutefois, les stratégies d'aménagement déployées jusqu'à ce jour ont échoué dans leurs quêtes d'intégrer la science et la prise de décision pour résoudre les problèmes aux différentes échelles spatiales. L'ajustement des interventions des systèmes biophysiques concernés et la considération des liens dynamiques à différentes échelles spatiales sont cruciaux pour assurer un développement viable des écosystèmes.

  • Lisez l'article de D. W. Cash et S. C. Moser (2000) qui proposent des pistes de solutions pour y arriver : Cash, D. W., Moser, S. C. 2000. Linking global and local scales : Designing dynamic assessment and management processes. Global Environmental Change 10 : 109-120. Accédez à cet article en utilisant la Réserve électronique du cours  de la bibliothèque de l'Université TÉLUQ.

Les défis les plus grands sont ceux qui doivent être abordés à l'échelle planétaire. Plusieurs ressources naturelles communes exigent une coopération internationale et l'établissement d'institutions structurantes pour leur gestion. Par exemple, la gestion de la biodiversité des écosystèmes marins et de la forêt tropicale humide doit se faire avec la coopération de plusieurs pays, notamment entre les pays industrialisés qui consomment la plupart des ressources et les pays en développement. Cette coopération peut se faire autant par la mise en place de politiques internationales qui visent la protection des ressources que par le transfert de connaissances sur le terrain qui visent le développement de techniques viables pour leur exploitation. D'autres types de coopération internationale pour la saine gestion des ressources naturelles concernent la pollution (pluies acides) transfrontalière et les changements climatiques pour la conservation du patrimoine biologique.

  • Lisez l'article de E. Ostrom et coll. (1999) sur les différents moyens à prendre pour résoudre des défis environnementaux par la coopération internationale : Ostrom, E. et coll. 1999. Revisiting the commons : Local lessons, global challenges. Science 284 : 278-282. Accédez à cet article en utilisant la Réserve électronique du cours  de la bibliothèque de l'Université TÉLUQ.

1.5 La sélection des réponses aux changements environnementaux

Les politiques les plus sensées en ce qui a trait aux grandes problématiques environnementales ont été élaborées en connaissant bien le problème, en identifiant l'éventail des options les plus appropriées pour résoudre le problème, incluant une connaissance des échelles spatiales et des acteurs en jeu, en déterminant la faisabilité des options de solution tant sur le plan politique, social et économique, en choisissant la meilleure option par l'entremise d'outils normatif, descriptif, délibératif, éthique et culturel, en mettant efficacement en pratique l'option choisie, en évaluant les résultats de la politique sur le terrain et en ajustant le tir selon les résultats obtenus. Ces différentes étapes de sélection des réponses, soit par des prises de décisions ou par l'élaboration de politiques, sont bien décrites au chapitre 18 du volume 3 du MEA .

Note.– Après ces lectures sur les Objectifs du millénaire, le MEA, les écosystèmes, les services écosystémiques, l'aménagement écosystémique et la prise de décision, les bases nécessaires pour votre apprentissage sur l'aménagement viable des ressources (forêt, eau, terre arable et biodiversité) sont maintenant acquises. Il ne nous reste qu'à vous souhaiter un cours enrichissant et stimulant.

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