Projet de recherche sur la mise hors service de chemins à faible utilisation

Objectifs principaux du projet

Ce projet de recherche visait à proposer des solutions concrètes pour assurer une protection efficace et cohérente des milieux aquatiques, par la réduction des menaces à la qualité de l’eau et à la libre circulation du poisson provoquées par les infrastructures qui forment les chemins à faible utilisation en milieu éloigné. Plus précisément, il avait comme objectifs de :

  • Évaluer les impacts de l’abandon des réseaux de chemins forestiers sur les facteurs d’érosion à l’échelle du bassin versant;
  • Développer des critères de conception pour l’aménagement de traverses à gué;
  • Mesurer l’apport de sédiments fins généré par la construction de traverses à gué aménagées;
  • Déterminer l’impact de passages à gué sur les déplacements du poisson;
  • Définir les conditions physiques, les critères d'application et les techniques de conception optimales pour la mise hors service des chemins à faible utilisation en termes d’accès aux ressources, de bénéfices hydrologiques et d’optimisation opérationnelle;
  • Développer un guide de saines pratiques pour la mise hors service de chemins à faible utilisation.

Contexte

Préambule du projet

Une étude en partenariat avec la Fondation de la Faune du Québec, la Fédération des Pourvoiries du Québec, Zecs Québec, la Sépaq et la Forêt Montmorency a permis de mettre en évidence le sous-entretien généralisé des chemins à faible utilisation au Québec et ont fourni des données justifiant la pertinence scientifique et administrative du présent projet sur la mise hors service de chemins à faible utilisation.

Pour plus de détails, consultez le rapport État et durabilité des traverses de cours d'eau sur les chemins forestiers  produit par Philippe Paradis-Lacombe et Sylvain Jutras en 2016.

Le réseau routier québécois compte, d’après les derniers estimés du Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec (MFFP), plus de 476 000 km de chemins forestiers (MFFP, 2021). Ce réseau a d’abord été déployé graduellement depuis les années 1960 pour permettre l’extraction des ressources ligneuses à l’aide de camions, remplaçant alors la vidange du bois par flottage. Dans les années 1970, le développement des grands projets hydroélectriques du Québec a débuté, ce qui a ajouté jusqu’à ce jour 33 000 km de lignes de transport électrique et qui a nécessité la construction de chemins d’accès et d’entretien sur de très grandes distances. Conséquemment, il y aurait aujourd’hui plus d’un demi-million d’infrastructures de traverses de cours d’eau sur les terres publiques du Québec. Très diversifiée dans ses méthodes de conception et ses types de matériaux (bois, métal, plastique, béton, etc.), chaque traverse de cours d’eau représente une source potentielle de perturbation du milieu aquatique par l’apport de sédiments et la rupture de la connectivité de l’habitat aquatique (Roni 2005). De plus, le risque de perturbation s’accroît avec le temps puisque les matériaux utilisés dans ces infrastructures se dégradent inévitablement (Paradis-Lacombe et Jutras 2016).

À l’heure actuelle, il n’existe aucun registre ou base de données exhaustive de la localisation de traverses de cours d’eau et de leur état sur terres publiques au Québec. Par contre, le constat général qui transparaît à travers quelques initiatives locales d’évaluation de l’état des traverses de cours d’eau en milieu éloigné (Bélanger et al., 2004 ; Trottier et al., 2011) est une dégradation généralisée des infrastructures situées sur les chemins peu fréquentés ou abandonnés, et ce, principalement à cause du manque d’entretien. Des travaux récents ont montré, à partir d’un échantillonnage territorial non biaisé, que 86 % des chemins ne feraient l’objet d’aucun entretien en territoire public Québécois (Paradis-Lacombe et Jutras 2016). Le Bureau du Forestier en chef (2010) du Québec précise d’ailleurs dans son Bilan d’aménagement forestier durable au Québec (2000-2008) que les vieux chemins sont trop souvent sans surveillance et qu’il n’y a pas de suivi de leur état, ni de bilan, ni de plan d’action clair quant à leur entretien.

Concept de chemins à faible utilisation

Le transport des ressources naturelles, que ce soit l’électricité, le gaz naturel ou la matière ligneuse, nécessite la mise en place de réseaux d’accès extensifs s’étendant sur de très grands territoires publics. La notion d'utilisation des chemins à court et à long termes est toutefois très particulière en milieux éloignés. La très grande majorité des milliers de kilomètres de chemins construits à chaque année est en utilisation intensive pour une très courte période de temps pour ensuite être utilisé de façon très sporadique, voire même être complètement abandonné. C’est entre autres le cas pour les chemins d’accès construits lors du déploiement des lignes de transport électriques et des gazoducs, ainsi que pour l’extraction et le transport de la matière ligneuse. Pendant de courtes périodes allant de quelques semaines à quelques années, des travaux d’envergures nécessitant de la machinerie imposante et le passage de véhicules à fortes charges sont effectués. Les chemins nécessaires pour réaliser ces activités sont donc conçus et construits en conséquence, dans le respect du cadre réglementaire en vigueur. Une fois les travaux majeurs complétés, ces chemins ne sont fréquentés que lors d’entretien et d’inspection des lignes de transport (en moyenne une fois à chaque 10 ans) ou lors de la réalisation d’inventaires et de travaux sylvicoles (rarement plus fréquents qu’à chaque 20 ans, et souvent jamais). Pendant ces longues périodes de non-utilisation, aucun entretien des chemins n’est effectué, ni nécessaire selon la réglementation en vigueur.

Gestion actuelle par "abandon"

En raison d’un vide réglementaire, la méthode de gestion par abandon est largement utilisée en milieu éloigné. Une fois construit, un chemin en territoire public devient la propriété de l’État. Pendant la période d’utilisation intensive des chemins, l’intervenant qui l’utilise est responsable de son entretien. Toutefois, après cette période, la responsabilité de l’entretien ne revient légalement à aucune entité ou organisation. En absence d’entretien, l’accessibilité au territoire est fortement réduite, car la végétation se réinstalle spontanément sur la chaussée lorsqu’elle n’est pas fréquentée. Ceci favorise, entre autres, la prolifération du castor et de ses barrages, ce qui cause ensuite une dégradation encore plus importante des infrastructures routières et de traverses de cours d’eau laissées sur place. La gestion par abandon cause donc une dégradation accélérée des milieux aquatiques par l’affaissement des ponceaux, la création d’entraves à la circulation du poisson, l’érosion de la chaussée et des remblais (Paradis-Lacombe et Jutras 2016) ainsi que la sédimentation spontanée et/ou graduelle de quantités considérables de particules fines dans les cours d’eau (Bérubé et al., 2010). Le lessivage des ouvrages pour traverser les cours d’eau représente non seulement une réduction de l’accès sécuritaire à la forêt, mais il s’agit aussi d’une menace considérable au milieu aquatique.

Fermeture de chemins

Depuis 2006, il est possible pour certains intervenants de choisir de fermer ces chemins une fois la période de forte utilisation terminée. La fermeture d’un chemin peut aller du simple blocage de l’accès jusqu’à une remise en état du milieu et le démantèlement complet du chemin et des structures pour traverser les cours d’eau. Cette fermeture est une solution cohérente lorsque l’accès n’est plus nécessaire ou qu’elle permet une protection de certaines espèces sensibles. Toutefois, dans certains cas, l’accès en forêt est encore requis par d’autres acteurs du milieu forestier pour la pratique d’activités traditionnelles, de la pêche, de la chasse ou de la villégiature, par exemple. Il arrive donc fréquemment que les chemins fermés soient tout de même utilisés par d’autres utilisateurs du territoire (pêcheurs, chasseurs, VTT, etc.), qui doivent alors traverser à gué les cours d’eau sans stabilisation des berges ou du lit (Gauthier et al., 2013). Les berges des cours d’eau s’altèrent donc avec le temps, entraînant des sédiments dans les cours d’eau. L’érosion des berges peut aussi mener à la multiplication des points de traversée des cours d’eau, dégradant les berges et la bande riveraine sur une plus grande superficie. Cette méthode de gestion par fermeture n’est donc pas toujours bénéfique pour les milieux aquatiques si elle n’est pas réalisée dans un contexte favorable. Afin de bien encadrer cette pratique, il serait nécessaire de mieux connaître les impacts du retrait de traverses de cours d’eau, avant, pendant et après les travaux. De plus, il serait important d’évaluer et de développer des solutions alternatives adaptées au contexte de la forêt boréale où les chemins à faible utilisation pourraient permettre l’accès en forêt tout en réduisant les menaces à l’écosystème aquatique.

Mise hors service de chemins


Exemple de traverse à gué aménagée

Au Québec, des techniques de mise hors service de chemins à faible fréquentation pourraient être adaptées et appliquées pour remplacer la gestion par abandon qui a laissé un immense héritage de chemins sous-entretenus en milieux éloignés. Il serait ainsi possible de freiner la détérioration des milieux aquatiques. De plus, ces techniques de mise hors service pourraient être réfléchies dès l’étape de la planification de futurs chemins en milieu éloigné. Des approches combinant l’utilisation de ponts temporaires pour la période de forte fréquentation et des traverses à gués aménagées par la suite pourront être développées. Utilisées ailleurs dans le monde, les traverses à gué aménagées représentent une avenue intéressante pour les chemins à faible utilisation où l’accès est nécessaire, mais où les ressources pour l’entretien sont limitées. Il existe toutefois peu d’études évaluant les effets réels de la construction et de l’utilisation des traverses à gué aménagées sur l’apport sédimentaire et sur le comportement du poisson.

Étudiant(es) gradué(es)

Olivier Ferland - Maîtrise en sciences forestières - avec mémoire (M. Sc)
Estimation des coûts et aide à la prise de décision en lien avec la gestion des traverses de cours d’eau dans un contexte de chemins à faible fréquentation 

Vicky Larocque - Maîtrise en sciences forestières - avec mémoire (M. Sc)
Méthode de conception de traverses à gué aménagées pour des cours d'eau en milieu forestier 

Étudiante

Karelle Gilbert - Candidate au doctorat en sciences forestières
Étude des effets de différents modes de gestion des chemins à faible utilisation sur l'habitat aquatique

Publications

  • Jutras, S., Paradis-Lacombe, P., Ferland, O., Gilbert, K., Grenier, A-A., Goerig, E., Bergeron, N.É. (2022) Guide des saines pratiques pour les chemins forestiers à faible utilisation - Stratégies de gestion et de mise en application. Technical report, Université Laval. Québec, Québec, Canada. Document pdf 
  • Gilbert, K., Larocque V., Ferland, O. et Jutras, S. (2019) « Envisioning a New Way of Managing Low-Volume Roads in Québec, Canada Impact of Decommissioning on Sediment Yield. » Dans TBR 12th International Conference on Low Volume Roads (Kalispell, MT, 15-18 septembre 2019). Transportation Research Circular, E-C248, p. 109-113 12th International Symposium on Environmental Concerns in Rights-of-Way 
  • Gilbert, K. et Jutras, S. (2019) «Assessment of Decommissioning as a Management Method for Low Volume Roads in Québec, Canada. » Dans 12th International Symposium on Environmental Concerns in Rights-of-Way Management (Denver CO, 23-26 septembre 2018).

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